Du mercure se concentre dans l’est du Canada et le sud du Groenland
Les mouvements de 837 oiseaux ont couvert l’Atlantique Nord, la mer de Barents et la mer de Kara, et leurs plumes ont indiqué la distribution du mercure dans la chaîne alimentaire. Les concentrations sont préoccupantes dans l’ouest de cette zone.
Eiders, fulmars ou encore guillemots, les oiseaux de l’Arctique renouvellent leur plumage une ou plusieurs fois par an. Lors de la mue, le corps de ces animaux élimine une partie du mercure dans leur plumage flambant neuf. Ceci n’a pas échappé aux ornithologues du Norwegian Polar Institute, de l’université de La Rochelle et d’un réseau international de chercheurs. Ils publient mi-mai, dans la revue PNAS, la première carte de la répartition du mercure dans la zone arctique et subarctique de l’Atlantique Nord, la mer de Barents et de Kara. « Notre but était d’avoir une meilleure idée d’où se trouvent les plus fortes concentrations de mercure », nous explique par écrit Céline Albert, écotoxicologue et principale autrice de l’étude.
Mais comment ont-ils fait pour couvrir une zone aussi large allant de l’est du Canada à l’archipel François-Joseph ? Le réseau d’ornithologues a prélevé trois plumes par individu sur un total de 837 oiseaux appartenant à sept espèces entre 2014 et 2018, à travers 27 colonies réparties dans sept pays, toutes sur le littoral. Les oiseaux étaient équipés de capteurs de position lors de leur voyage hivernal maritime. Les eiders se sont nourris près des côtes, essentiellement sur le fond rocheux ou vaseux. Les mouettes tridactyles ont picoré à la surface de la haute mer. Les guillemots et les mergules ont plongé jusqu’à 150 mètres et 50 mètres respectivement, piquant des poissons pour les premiers et des crustacés pour les seconds.
Le mercure peut prendre une forme organique, le méthylmercure, qui entre dans les chaînes alimentaires. Les oiseaux en question ont donc été exposés à la pollution. Grâce à leurs vols hivernaux, les oiseaux indiquent que le mercure se concentre dans le sud du Groenland et l’est du Canada. Les concentrations enregistrées sont-elles préoccupantes pour les populations humaines ? « Oui, elles le sont », nous écrit la chercheuse. « La carte lisse les différences de valeurs de mercure entre espèces d’oiseaux, mais les valeurs brutes oscillent entre 0,25 et 14,60 microgrammes par gramme de plume. » Le seuil de dangerosité est estimé à cinq microgrammes.
« Un des problèmes avec le mercure, c’est qu’il est facilement transporté via les courants atmosphériques et océaniques », explique Céline Albert. Le groupe de travail AMAP de l’Arctic Council se dédie à la surveillance des pollutions. Dans son rapport de 2021, il recommande aux États membres et observateurs du conseil d’agir et de « réduire les émissions et les rejets de mercure. » Les auteurs de l’étude, plusieurs ONG comme l’IPEN (International Pollutants Elimination Network) ou des instances intergouvernementales telles que l’Arctic Council, appellent la communauté internationale à prendre de nouvelles mesures concernant l’extraction et l’utilisation de mercure dans le cadre de la Convention de Minamata entrée en vigueur en 2017.
Camille Lin, Polar Journal AG
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