La vie sexuelle des léopards de mer (presque) dévoilée
Grâce à l’observation d’une parade nuptiale, on en sait désormais plus sur le comportement de reproduction du mystérieux léopard de mer. Une parade faite de vocalises qui s’effectue d’ailleurs loin des glaces antarctiques.
Pour la première fois, une équipe de chercheurs a pu observer une interaction de parade nuptiale entre deux léopards de mer. Les résultats de cette observation inédite ont été publiés le 7 juillet dernier dans la revue Polar Biology.
Ce n’est pas la première fois que le Dr. Sarah Kienle, biologiste à l’Université Baylor au Texas, et son équipe publient une étude sur les léopards de mer. En 2022, une recherche avait déjà permis d’en savoir plus sur les déplacements et les comportements de plongée de l’espèce. Une autre étude, publiée en 2023, avait établi que les léopards de mer avaient les taux de cortisol, une hormone du stress, les plus élevés chez les pinnipèdes. Cette fois, les chercheurs se sont intéressés au comportement de reproduction de ce mystérieux prédateur antarctique.
Durant deux heures, le Dr. Kienle et son équipe ont en effet observé une parade nuptiale entre deux phoques-léopards à Laguna San Rafael au Chili en décembre 2022. Et le moins que l’on puisse dire est que l’interaction était très vocale. Tournant autour d’un iceberg sur lequel la femelle était allongée, le mâle a en effet émis 65 cris sous-marins sous forme de doubles trilles graves et aigus apparemment adressés à sa belle. Les doubles trilles graves étaient quatre fois plus souvent émis que les doubles trilles aigus. De son côté, la femelle a émis sept cris sous forme de pulsations sourdes, de souffles nasaux ou encore de grognements. Après l’observation visuelle, les chercheurs ont enregistré des vocalises durant les huit heures suivantes.
Autre élément intéressant dans cette observation est la différence d’environnement dans lequel évoluaient mâle et femelle durant la parade. Alors que le mâle a passé la quasi-totalité du temps d’observation dans l’eau, la femelle vocalisait dans les airs depuis le morceau de glace sur lequel elle était allongée. Une observation qui suggère un rôle plus passif de la part de la femelle dans son comportement sexuel.
Les chercheurs n’auront toutefois pas pu établir si le mâle a réussi à « conclure ». Une observation menée le lendemain a permis de découvrir une lacération dans la région des organes génitaux. Pour les chercheurs, le mâle aurait tenté de s’accoupler avec la femelle et cette dernière, ou un autre léopard de mer, aurait été la cause de cette blessure.
Cette observation marque une étape importante dans la connaissance de ce mammifère marin, difficile à observer dans son milieu naturel. « Ensemble, nous avons découvert que la parade nuptiale des léopards de mer implique une série de comportements comportementaux et acoustiques chez les deux sexes, à la fois dans l’air et sous l’eau. », relèvent les auteurs dans leur étude. « Il s’agit de la première description du comportement sexuel des léopards de mer dans la nature. Notre étude fournit également la première preuve que les léopards de mer s’accouplent en Amérique du Sud. »
Pendant longtemps, on a pensé que les léopards de mer étaient des animaux qui avaient besoin de la glace de mer pour se reproduire. Or, différentes études, dont une recherche portant sur 19 nouveau-nés, ont démontré que non seulement la majorité des naissances ne se faisaient pas sur la glace mais qu’elles pouvaient également avoir lieu en-dehors de l’Antarctique. L’observation de cette parade nuptiale au sud du Chili tend donc dans le sens d’une reproduction hors-Antarctique : « Ces données apportent des preuves supplémentaires que les léopards de mer peuvent se reproduire – et le font – en dehors de la banquise antarctique. », relève le Dr. Kienle dans un communiqué de presse publié le 17 juillet dernier par l’Université Baylor.
Si cette observation permet d’en savoir plus sur le comportement sexuel des léopards de mer, elle soulève encore de nombreuses questions notamment dans la choix des femelles dans le comportement d’accouplement ou la question de la compétition et de la territorialité et du rôle qu’ils jouent dans la reproduction de l’espèce. Des questions auxquels les chercheurs souhaitent pouvoir répondre à l’avenir avec d’autres observations et collectes de données acoustiques et vidéo.
Mirjana Binggeli, Polar Journal AG
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