Le nouveau mandat de Trump est de mauvais augure pour la région arctique
La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis et les dernières annonces concernant la formation du gouvernement pourraient bien avoir un effet toxique sur l’équilibre de l’Arctique, tant sur le plan sécuritaire que climatique. Timo Koivurova, expert finlandais des affaires arctiques, nous livre son analyse.
La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis est à bien des égards un résultat difficile pour les Européens, la Finlande et la région arctique. L’une des caractéristiques de la politique étrangère de Trump a été sa marginalisation du système fondé sur des règles, si important pour les petits États. Trump conclut des accords et procède à des retraits inattendus. Il diffame l’OTAN et veut résoudre la guerre en Ukraine en des termes non ukrainiens. Certains experts ont estimé que Trump n’avait pas fait beaucoup de dégâts lors de son premier mandat présidentiel. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? Mais il est clair que Trump et ses associés sont désormais prêts à changer les États-Unis et le monde d’une manière très différente de celle de leur premier mandat. Quelles sont donc les conséquences probables et possibles de l’élection de Trump pour l’Arctique ?
L’Arctique se réchauffe jusqu’à quatre fois plus vite que la moyenne mondiale. La région arctique est confrontée à une urgence climatique, et l’élection de Trump est un désastre pour sa nature. Il est très probable que Trump retirera les États-Unis de l’Accord de Paris sur le changement climatique et bloquera d’autres processus mondiaux visant à protéger l’environnement, comme les négociations sur l’accord relatif aux déchets plastiques. Cette situation est toxique non seulement pour l’Arctique, qui subit déjà d’énormes changements, mais aussi pour le monde entier. Le retrait du deuxième plus grand émetteur mondial de l’action commune est une nouvelle érosion du système. Il est important de rappeler qu’il faudra tous les pays du monde pour lutter contre le changement climatique. Le retrait d’un acteur majeur est une triste nouvelle.
Par ailleurs, la situation en matière de sécurité dans la région arctique est encore plus compliquée et difficile à prévoir. La Finlande et l’Europe ont construit un bouclier plus solide contre la Russie. Même si Trump ne retire pas les États-Unis de l’OTAN, ce qu’il a également laissé entendre, il est clair que la capacité d’action de l’OTAN est mise à l’épreuve. La défense de la Finlande repose en grande partie sur l’OTAN et les États-Unis, y compris en ce qui concerne la concentration militaire sur la péninsule de Kola. Déjà à Rovaniemi, lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du Conseil de l’Arctique en 2019, nous avons entendu un discours du ministre des affaires étrangères de Trump, Mike Pompeo, dans lequel il a critiqué les actions de la Russie et de la Chine dans la région arctique. Une coopération plus étroite entre la Russie et la Chine dans la région n’est certainement pas quelque chose que l’administration Trump voit d’un bon œil. Nous pourrions assister à des tensions et à des accords croissants entre les grandes puissances dans l’Arctique.
La coopération dans l’Arctique risque de devenir plus difficile. Les groupes de travail du Conseil de l’Arctique se sont quelque peu remis de la pause causée par l’attaque armée illégale de la Russie contre l’Ukraine. Il est peu probable que Trump et son administration soient favorables au Conseil, qui vise à contribuer à la lutte et à l’adaptation au changement climatique ou, plus généralement, à lutter contre divers problèmes environnementaux et à résoudre les défis du développement durable. La réunion des ministres des affaires étrangères qui a mis fin à la présidence finlandaise du Conseil de l’Arctique en est un bon exemple, où l’influence de Trump s’est fait fortement sentir. La délégation américaine s’est opposée à l’utilisation du terme « changement climatique », ce qui a eu pour conséquence que la déclaration ministérielle n’a pas été adoptée, pour la première fois dans l’histoire du Conseil.
Y a-t-il donc quelque chose de positif dans l’élection de Trump ? Peut-être le fait que l’Europe se réveillera, espérons-le, pour prendre conscience qu’elle doit s’occuper de sa propre défense et, plus généralement, de ses propres affaires. Quant à savoir si elle y parviendra, c’est une autre question. Et si elle y parvient, cela ne signifiera qu’une spirale d’armement toujours plus grande, ce qui ne peut pas vraiment être considéré comme une bonne chose non plus.

Timo Koivurova est un juriste universitaire qui possède une grande expérience de la recherche sur l’Arctique. Il est l’un des principaux experts finlandais en matière de gouvernance arctique. Il travaille au centre arctique de l’université de Laponie, où il étudie l’évolution de la coopération géopolitique au sein du Conseil de l’Arctique, en traitant des questions environnementales, des ressources minérales et du développement durable.
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