Rencontre avec Sofie Schultz Christiansen - Son histoire dans les langues | Polar Journal
Polar Journal

Suivez-nous

Icon Podcast

News > Arctique

Rencontre avec Sofie Schultz Christiansen – Son histoire dans les langues

Polar Journal AG Team 18. avril 2025 | Arctique, Société

Traductrice et interprète depuis son enfance, Sofie Schultz Christiansen nous a raconté, son goût des langues, ses voyages et sa vie à Ilulissat.

Nous l’avons rencontrée à l’Icefjord Hotel, où elle travaillait autrefois à la réception. Image : Camille Lin

Elle est à l’heure ; nous étions en avance. Elle entre dans le hall de l’hôtel d’un pas timide. Elle porte un épais manteau de fourrure. Elle s’installe à notre table, le long de la fenêtre, face aux icebergs.
Sofie Schultz Christiansen est traductrice et interprète – pour l’anglais, le danois et le groenlandais. Elle a travaillé, pendant trois ans, pour le parlement Groenlandais, à Nuuk.

Entretien en anglais avec Sofie Schultz Christiansen, traductrice et habitante d’Ilulissat. Production, réalisation : Adrien Chevrier / polarjournal.net

« Durant ces trois ans, j’ai beaucoup voyagé. Je suis allée en Islande trois fois, au Canada trois fois, une fois à New-York dans le bâtiment des Nations Unies, à Tromsø en Norvège, à Helsinki en Finlande, à Vérone en Italie » raconte-t-elle fièrement. « À l’époque, la plupart des traducteurs et traductrices ne travaillaient qu’en danois ou en groenlandais. J’étais une des seules à travailler en anglais » explique-t-elle. Elle est maintenant à son compte ici, à Ilulissat où elle est née, a grandi et a été également interprète pour la mairie de la commune pendant plusieurs années.

Dans les années 1960, elle se souvient des grandes bandes d’enfants qui jouaient dans la ville, de leurs chants, de leurs jeux et des mers gelées jusqu’à juin. À cause du réchauffement climatique et du printemps qui arrive désormais au mois d’avril (en face de nous, par les fenêtres, les icebergs ont déjà les pieds dans l’eau), elle sait que son fils ne pourra pas connaître les hivers qu’elle a connu à son âge.
Elle se souvient aussi de ses camarades danois auprès de qui elle a appris la langue.

Un déménagement à Nuuk

Très vite, elle nous confie qu’elle s’inquiète un peu que son fils n’ait pas appris, à son tour, le danois. « Il a un père danois mais je l’ai élevé seule, alors.. j’avais commencé à lui apprendre un peu la langue, quand il était petit, mais nous nous sommes arrêtés. Il doit apprendre le danois s’il veut pouvoir continuer ses études après l’école primaire » ajoute-t-elle. Elle y reviendra à plusieurs reprises au cours de la conversation : « Comme il ne parle pas le danois, son père et ses frères lui parlent anglais ». Elle s’inquiète qu’il ne puisse pas continuer ses études et intégrer le gymnasium (l’équivalent, non-obligatoire, du lycée où l’enseignement est exclusivement dispensé en danois ici au Groenland). Elle a donc décidé de déménager à Nuuk, l’année prochaine, à sa sortie de l’école primaire, pour lui permettre, s’il le souhaite, d’apprendre le danois. « Il y a plus de locuteurs et locutrices du danois à Nuuk. J’espère qu’il apprendra le danois là-bas et qu’il ira au lycée (gymnasium) avant de choisir quoi que ce soit ».

Nous lui tendons, sur notre téléphone, trois photos anciennes que nous avons retrouvées sur son compte Facebook. « Est-ce que vous seriez éventuellement d’accord pour en choisir une et nous la commenter ? » demandons-nous. « Je peux toutes les commenter » répond-elle résolument. Ce sont de vieilles photos argentiques qui empruntent aux tons pastels des photos d’époque. Sur la première, on la voit, à quatre ans, debout dans son habit traditionnel de communion fabriqué par sa grand-mère. L’air un peu embarrassée. « La photo n’est pas très bonne. La photographe m’avait demandé de croiser mes mains comme ça. On dirait que je suis en train de prier » dit-elle en riant, avant d’ajouter délicatement : « Ce n’est pas moi… ».

Grands-parents de Sofie Schultz Christiansen. Image : Coll. Sofie Schultz Christiansen

Sur une autre image, ses deux grands-parents, les parents de sa mère, posent devant un mur bleu-gris sur lequel se reflète le soleil. Ils regardent ailleurs, chacun d’un côté du hors champ, comme pour ne pas laisser l’image les attraper trop vivement. Son grand-père était danois mais élevé dans une famille groenlandaise après la mort de ses parents. « Ils vivaient dans un petit village près d’Aasiaat » précise-t-elle (une ville tout au Nord du Groenland ; aujourd’hui la cinquième ville du pays). « Nous leur rendions visite tous les étés, après la fin de l’école. Il fallait aller récupérer de l’eau dans des seaux. Les premiers jours, les seaux nous paraissaient très lourds et puis, à la fin du séjour, nous étions devenus plus forts, et nous aidions les autres maisons alentours » se souvient-elle.

Les icebergs sont toujours là et la conversation se termine. « Merci beaucoup » insistons-nous en anglais. « De rien », nous répond-elle en français. Elle rit : « Il y a quelques semaines, j’ai accompagné un français qui avait besoin d’une traductrice. Il me disait toujours “Qujan“, merci en groenlandais, et je lui répondais “de rien“, en français ». A.C

En savoir plus sur le sujet

https://polarjournal.net/fr/rencontre-avec-karl-sandgreen-a-ilulissat
linkedinfacebookx
Compass rose polar journal

Rejoignez la communauté polaire !

Découvrez notre lettre d’information polaire qui contient plus d’articles sur tous les aspects polaires ainsi que des événements et des opportunités polaires et des cartes des glaces de l’Arctique et de l’Antarctique.

Other articles